
Publié le 3 Juillet 2025 dans Information Display | Auteur : Glen Dickson
Traduction en français par Aledia
Après plus de dix ans passés à développer une technologie propriétaire de microLED sans produire de produit concret ni générer de revenus, la startup française Aledia a récemment réalisé des avancées significatives vers la commercialisation de son architecture “nanowire” (nanofil) pour les microLEDs à base de silicium.
Au cours des deux dernières années, cette entreprise basée à Grenoble (fondée en 2011) a atteint des jalons importants en termes de luminance et d’efficacité énergétique pour ses puces microLED. Elle a également construit une nouvelle usine de fabrication de microLEDs qui devrait être pleinement opérationnelle d’ici fin 2025.
Les progrès d’Aledia ont été salués lors du salon Display Week 2025 organisé par la SID, où elle a remporté son deuxième prix consécutif du public. Cette année, le prix concernait la “meilleure technologie AR/VR”, pour un micro-affichage RGB (rouge, vert, bleu) en développement pour des lunettes de réalité augmentée (AR). En 2024, elle avait remporté le prix de la “meilleure technologie basée sur les microLEDs.”
La technologie 3D à base de nanofils d’Aledia repose sur l’utilisation de procédés existants en fonderie de silicium : elle consiste à faire croître des nanofils de nitrure de gallium (GaN), d’un diamètre inférieur au micron, sur des plaquettes de silicium standard de 200 mm (8 pouces) ou 300 mm (12 pouces). Ces nanofils, orientés verticalement comme de minuscules piliers, permettent de créer des puces très petites, jusqu’à 1,5 micron.
Au-delà de la réduction des coûts grâce à l’utilisation d’équipements de fonderie existants, Aledia affirme que ses nanofils offrent une meilleure densité de pixels, une luminance plus élevée et une efficacité énergétique accrue par rapport aux microLEDs traditionnelles 2D. Cela les rend particulièrement intéressants pour les lunettes AR, où il est crucial de maintenir une bonne résolution et luminosité tout en réduisant la consommation énergétique, pour limiter la taille de la batterie et le poids total du produit.
Ce potentiel est resté hypothétique jusqu’à ce qu’Aledia annonce, lors de Display Week 2024, avoir établi plusieurs records mondiaux pour des microLEDs de moins de 1,5 micron. Elle a atteint un rendement quantique externe (EQE) supérieur à 32 %, et une efficacité murale (WPE) de 320 milliwatts de lumière visible par watt d’entrée électrique. Selon Eric Virey, analyste chez Yole Développement, ce rendement EQE aurait depuis atteint 37 %. Ce résultat a transformé sa perception d’Aledia :
« Pour la première fois en 13 ans, ils ont prouvé que ce qu’ils annonçaient depuis leur création était faisable », déclare Virey. « Ils disaient depuis le début que les nanofils permettraient d’atteindre de très hautes efficacités sur de toutes petites puces. De 2011 à 2023, rien n’était prouvé. Et soudainement, en 2024, il y a eu cette percée. »
Avec cette percée technologique de 2024, Aledia a également opéré un virage stratégique sous l’impulsion de son nouveau PDG Pierre Laboisse (ex-vice-président chez ams Osram), qui a remplacé le fondateur Giorgio Anania en septembre 2023 (ce dernier reste au conseil d’administration). Aledia a cessé le développement de sa technologie miniLED appelée “D-LED”, destinée aux écrans LCD haute résolution, et poursuit désormais deux axes en parallèle :
FlexiNova : pour la fabrication de puces microLED destinées à des affichages directs (montres connectées, écrans automobiles, etc.), avec des émetteurs bleus uniquement et conversion des couleurs via points quantiques.
Affichage microLED RGB natif : destiné aux lunettes AR, présenté lors de Display Week. Laboisse souligne que la directivité de la lumière émise par les nanofils est un avantage clé pour alimenter les guide-lumières des lunettes AR.
Aledia a présenté FlexiNova à Display Week 2025 comme sa première plateforme de puces industrielles, disponible en versions 6 et 9 volts dès le second semestre 2025. FlexiNova est une plateforme “prête à l’intégration”, pouvant servir dans des montres, tableaux de bord, téléviseurs de luxe, etc., avec des puces allant de 15 × 30 µm² à 3,5 × 3,5 µm², fabriquées sur des plaquettes de GaN sur silicium de 200 mm.
« L’idée de FlexiNova est d’utiliser les nanofils comme des briques de base fondamentales », explique Virey. « Et d’en déduire une architecture de puce adaptée à chaque application. Car souvent, l’industrie ne peut pas adapter son processus à une puce imposée. »
La nouvelle usine d’Aledia a reçu ses derniers équipements en juin. Elle sera prête à produire deux lignes de produits microLED d’ici septembre : une puce de 3,5 microns (direct-view) et une autre pour les lunettes AR, dont les performances devront être améliorées d’ici 2026/2027 pour répondre aux exigences des clients.
Marchal précise qu’Aledia n’a pas totalement abandonné la D-LED, mais prendra quelques mois pour évaluer avant une décision finale. Tous les efforts R&D sont désormais concentrés sur les microLEDs à nanofils pour lunettes AR.
« Le marché des lunettes AR accélère rapidement, il fallait que toutes nos ressources soient alignées », dit-il.
La puce 3,5 × 3,5 microns est la meilleure en performance, mais aucun fabricant ne dispose de la technologie de transfert de masse nécessaire. Aledia propose donc une version 15 × 30 microns, plus compatible avec les leaders comme BOE, AUO ou Innolux.
« D’où le nom FlexiNova : on peut combiner plusieurs blocs de 5 microns, donc trois lignes de six nanofils donnent une puce de 15 × 30 microns », explique Marchal.
La technologie 3,5 microns étant désormais mature, l’équipe R&D peut se concentrer pleinement sur le développement du micro-affichage RGB pour lunettes AR. Une autre équipe indépendante développe FlexiNova. L’objectif est de livrer des échantillons FlexiNova d’ici décembre 2025, et une preuve de concept pour les fabricants début 2026. Applications visées : montres connectées et affichages tête haute panoramiques pour automobiles.
Le rouge reste le principal défi du micro-affichage RGB. Aledia développe des dispositifs de test spéciaux (comme un “midloop”) pour tester plus rapidement différentes configurations et mesurer plus précisément la directivité de la lumière — un effet cristal photonique, selon Marchal. Il espère un produit livrable d’ici 2028, mais une première version grand public pourrait ne pas voir le jour avant 2030.
Aledia a levé environ 500 millions de dollars à ce jour, dont 200 millions investis dans sa nouvelle usine. Le taux de dépenses annuel serait autour de 100 millions selon Virey. Le dernier financement remonte à septembre 2023, avec une forte implication de l’État français. Aledia prévoit une nouvelle levée de fonds dépendant de l’atteinte de ses objectifs début 2026. L’objectif est d’attirer des investisseurs stratégiques, notamment des clients.
« Nous sommes en pleine phase d’industrialisation, et espérons réunir des fonds en 2026 pour lancer la production de masse dès 2027/28 », conclut Marchal.
L’usine, bien qu’actuellement coûteuse, a selon Virey des capacités spectaculaires et une grande marge de montée en charge. Elle devrait accélérer fortement les cycles de développement, Aledia n’ayant plus besoin de dépendre de partenaires externes pour produire ses prototypes.
« C’est un frein qui ralentissait beaucoup leur progression, comme pour d’autres startups microLED. Ils mettaient des mois pour boucler une boucle de conception. Aujourd’hui, ce sont des semaines. »